Semaine du 10 décembre 2012
Album
(Domino)
16/07/2012
Indie
En dévoilant en avant goût de ce “Swing Lo Magellan” le magnifique “The Gun Has No Trigger” – un des plus beaux morceaux de l’année à l’heure qu’il est – Dirty Projectors a tenté de brouiller les pistes, laissant penser qu’il entrerait enfin dans le rang, au bout d’une poignée d’albums. Avec la plus grande naïveté, on s’est alors imaginé le siffler sous la douche. Comme si David Longstreth était du genre à pondre des mélodies faciles. C’est donc quelque peu perturbés, mais aussi avec la satisfaction de voir préservée un peu de marginalité au sein de l’indie rock actuel, que cette nouvelle salve nous a très vite ramené les pieds sur terre.
Bien qu’une nouvelle fois repensée, peut être plus accessible et simple que jamais, la musique des new yorkais n’a manifestement rien perdu de ses bonnes habitudes: les mélodies sont là mais difficiles à chanter, les chœurs se font de plus en plus prépondérants, les temps sont chaque fois remis en question (”About To Die”), les rythmes se superposent, se distancent pour mieux se rejoindre, les morceaux semblent s’écrire au fur et à mesure qu’ils avancent, presque improvisés (”Maybe That Was It”, “See What She Seeing”). Bien sûr, ce serait trop vite ignorer le long travail que représente un album de cette trempe, le premier ou l’on peut vraiment parler de Dirty Projectors en termes de songwriting même si persiste encore cette particularité du groupe – adorée de certains, détestée par d’autres – laissant l’impression que tout le monde ne joue pas toujours la même partition (”Just From Chervon”).
Portée par une production laissant échapper de charmantes imperfections, toute imprévisible qu’elle est (”Offspring Are Blank” et son break électrique), l’oeuvre embarque l’auditeur pour des destinations chaque fois inconnues, mais dessine au fil des titres un voyage passionnant dans le petit monde merveilleux d’un combo sans équivalent, dont on adhère ou non à l’univers intriguant, pointu, très souvent cérébral. Sur ce point pourtant, ce disque ne manque pas de nous faire mentir à plusieurs reprises, surtout lorsque remontent à la surface des influences toutes “beatlesiennes” (”Impregnable Question”).
Aussi, sur les traces de celui-là comme du single cité plus haut, d’autres morceaux comme “Swing Lo Magellan”, “Dance For You”, ou le final acoustique “Irresponsible Tune” – autant capables de vous dresser les poils sur les bras – prouvent que Longstreth peut aussi se mettre au niveau de l’auditeur lambda sans céder aux concessions. De là à en conclure au conformisme, il y a comme un saut de géant que nous, réduits à la taille d’une puce devant tant de maitrise et de talent, on n’osera jamais tenter. Aussi rare qu’il est, ce genre d’album s’écoutant à différents niveaux sans conduire droit à la migraine ne peut que finir au rang d’œuvre incontournable.
Plus d’infos : http://www.mowno.com/features-disques/dirty-projectors-swing-lo-magellan/